
Quoi de mieux qu’un samedi sicilien ? Retour sur l’une des sorties Folio de la semaine : Borgo Vecchio de Giosuè Calaciura.
Mimmo et Cristofaro entretiennent ce que l’on peut trouver de plus pur en l’amitié. Ils sont nés au Borgo Vecchio, quartier populaire de Palerme aux mille histoires où la vie mène son cours avec son lot de petits bonheurs et d’incertitudes. Le soir, lorsque Cristofaro souffre sous les coups de son père, Mimmo cherche à séduire Céleste pendant que sa mère reçoit des hommes à leur appartement. Les trois enfants rêvent en réalité d’une chose : avoir un père, figure qu’ils tentent de retrouver en Totò, bandit de quartier au grand cœur. C’est seul à posséder une arme à feu pour tuer le père de Cristofaro.
« Ils longèrent la banlieue avec ses jardins d’agrumes qui promettaient déjà leurs fruits, ils en sentent l’odeur nocturne, ils admirèrent les escaliers de tuf qui ressemblaient à des coquilles protégeant des animaux pétrifiés pour toujours, ils se sentirent étourdis par le calme des rideaux des magasins abaissés et par le repos de cette banlieue. »
Ce roman est grandiose par son dramatique, sa densité et son intensité. Extrêmement poétique, Giosuè Calaciura laisse entrevoir à son lecteur toute la nostalgie et l’innocence de l’enfance, mais aussi la symbolique immuable de l’amitié. Tout au long du roman, l’auteur casse les codes pour mettre en valeur un enfant sans père, une prostituée ou un voleur, personnages plus souvent décriés qu’héroïques dans une société. On s’éprend de ces âmes, on les admire, et on les comprend. Pour le lecteur, leur condition n’existe plus et ils sont réduits à l’essentiel, de simples humains en quête ultime de bonheur.
On y retrouve également toute la chaleur de la Sicile, et plus généralement de l’Italie. La vie qui grouille dans le quartier, les habitants qui se démènent à leur tache, et la proximité familiale de toute chose. C’est intense et beau à la fois. Et dans ce tohu-bohu, ces deux enfants, Mimmo et Cristofaro, liés par l’amitié indéfectible que construisent ceux qui souffrent, l’épaule qui soutient la vie de l’autre, le souffle qui maintient l’espoir. On semble penser que rien ne peut les atteindre dans ce quartier que dirige Dieu, omniprésent dans le texte et metteur en scène comme un Deus ex machina de ce théâtre vivant qui grouille d’acteurs.
Borgo Vecchio est un roman comme on en fait peu dans la maîtrise parfaite du mouvement, de la vie insufflée par l’espoir d’un lendemain meilleur, et du dramatique contemporain. Le beau de l’écriture à l’état pur.
Une réflexion sur “Borgo Vecchio, Giosuè Calaciura”