
Casser les codes du roman d’amour, pourquoi pas ? J’ai récemment embarqué dans Narcisse était jaloux, le dernier roman du journaliste Fabrice Chillet publié aux éditions Finitude. Une intrigue qui ne manque pas de rappeler parfois un certain Bel-Ami.
Léo est un jeune trentenaire discret, quelques fois torturé, et bien souvent orgueilleux. Un jour, son meilleur ami Paul lui présente sa nouvelle petite amie et artiste incomprise, Julia. Lorsqu’il a le dos tourné, Léo et Julia se voient, il est le seul à comprendre sa peinture. Dans l’intimité de son atelier, Léo espère secrètement qu’elle tombera amoureuse de lui pour devenir sa muse masculine, le modèle de son premier portrait.
« Mes centres d’intérêt devenaient plus éclectiques. Sous l’influence de Julia encore. Je m’asseyais sur une chaise dans le jardin du Luxembourg près des joueurs d’échecs et je découvrais derrière ce décor fané par l’habitude un monde qui devenait désirable. »
Ce court roman casse les codes des histoires d’amour contemporaines où le désir profond et sincère est omniprésent dans la psychologie de l’un des personnages principaux. Ici, nous n’assistons pas à un plaidoyer ou une ode à l’amour véritable. Nous sommes à la fois dans la séduction et l’égocentrisme à l’état pur au point d’en faire ici un pilier des relations entre les personnages. Comme nous sommes régulièrement amenés à travers le cinéma et la littérature à voir de belles histoires légères, tragiques et intenses se créer, ce roman peut surprendre.
Tout au long, nous souhaitons secrètement voir naître une idylle sincère entre les deux personnages principaux, une consommation des sentiments qui pourrait nous ravir et nous satisfaire. Cependant, les personnages de Julia, Paul et Léo sont si différents, dans un monde bien à eux jonché d’individualisme, de solitude et d’égocentrisme que rien n’inspire à nous mettre sur la bonne voie. On ne fait que douter de l’issue, et j’avoue y avoir trouvé un certain plaisir.
Cependant, j’ai ressenti très peu d’affection pour les personnages bien que l’intrigue soit prenante. L’émotion n’était pas au rendez-vous, et si la psychologie des personnages est très bien travaillée, elle manque cruellement de naturel et démoralise plus qu’elle ne fait réfléchir.