
Nous avons définitivement besoin de sourire dans l’infinie solitude du couvre-feu, n’est-ce pas ? J’ai lu Le bonheur est au fond du couloir à gauche de J.M Erre publié aux éditions Buchet Chastel, et si vous ne trouviez rien d’agréable à la neurasthénie, il est toujours temps de changer d’avis.
Cela fait des années que Michel H. est un grand mélancolique. Ce petit monde jonché d’égo bascule le jour où sa compagne Bérénice s’en va après trois magnifiques semaines de vie commune. Comment est-ce possible ? Elle ne l’avait insulté que deux ou trois fois de « taré », pas plus. Face à cette situation dramatique, Michel se donne douze heures pour reconquérir l’amour de sa vie, douze heures pour devenir heureux. Tout doit y passer, les marabouts, les guides de développement personnel, et pourquoi pas ce psychothérapeute québécois qui jure donner une technique infaillible afin de récupérer son âme-sœur, le tout pour seulement 49,99 euros ?
« Je suis né le jour du déclenchement du génocide rwandais. J’ai été baptisé la veille du massacre de Srebrenica. Mon premier mot, prononcé alors qu’on annonçait la mort de François Mitterrand à la télévision, à été « Prozac ». J’ai eu mon premier chagrin d’amour le 11 décembre 2001. J’ai fait ma scolarité à l’école primaire Anne Frank, au collège Guy-Môquet et au lycée Jean-Moulin. Pour compenser, j’ai emménagé il y a quelques années rue de la Gaîté. Pour l’instant, ça ne marche pas trop. »
J’ai ri, ri, et encore ri. En littérature, j’apprécie particulièrement les tons bien différents que l’on peut trouver lorsque l’on souhaite faire de l’humour. La palette est large. Ici, l’humour est léger tout en étant terriblement noir et décadent. Un coté « fin-de-siècle » qui me plait vraiment ( bonjour Michel Houellebecq ! ). Le narrateur nous emporte avec lui dans sa folie, ou devrais-je dire… sa vision de la vie ?
Pour les adeptes de psychanalyse, le déni vous est servi sous une cloche en argent, alors sortez vos écrits freudiens car c’est tout aussi jouissif qu’un pyjama chaud au sortir de la machine à laver. J’ai complètement adhéré à la psychologie de ce narrateur déroutant et fascinant à la fois. Une déraison absolue l’anime, sublimée par les multiples péripéties qui nous laissent en haleine tout au long du roman. L’intrigue est vivante, totalement burlesque, presque théâtrale. La satyre du feel-good comme arme de la pensée-néant en ravira sûrement certain(es).
La mélancolie n’a jamais été aussi électrique que sous la plume de J.M Erre qui nous livre ici un roman loufoque, humoristique, et profondément vrai sur notre mal du siècle.
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