
Terminer la semaine par une chronique électrisée sur un roman vibrant, voilà ce que je vous propose pour entamer le week-end. Je me suis lancée dans le livre rock ‘n’roll de Vincent Raynaud, Au tournant de la nuit (anciennement Toutes les planètes que nous croisons sont mortes), une nouveauté de la semaine aux éditions Folio.
Quand Tristan découvre les sonorités du rock pour la première fois, c’est tout un monde qui s’ouvre à lui. Issu d’une famille bourgeoise dans laquelle la musique classique est reine, la fracture est intense. Passionné, il décide de monter son propre groupe, La Monstrueuse Parade, valsant entre tournées et excès en tous genres. La période musicale s’essouffle pourtant, laissant place à d’autres courants, comment y survivre ?
« Il reconnaît des passages, des suites d’accords, des bouts de phrase, un long solo qui monte comme une vague et se termine en apothéose bruitiste, les deux guitaristes se répondent, un duel sans rage, une virtuosité tranquille, une élégance aérienne, tout paraît facile, il ne voit qu’eux, ces deux mecs qui se ressemblent »
Ce roman narre d’une certaine manière la fin de l’âge d’or du rock à travers les yeux du personnage principal, Tristan. Comme beaucoup, il ne se sent pas né à la bonne époque musicale. L’adolescent s’émancipe en pleine essor du courant post-punk à la fin des années 70 pour laisser naître l’artiste déchainé qui sommeille en lui. Et « déchainé » est un piètre mot face au caractère du garnement qui ne supporte l’autorité de personne !
Ce superbe voyage musical dans lequel l’auteur immerge nos oreilles aux sons de guitares infatigables, de basses extatiques et de batteries aériennes est un réel bond dans le passé. Je dois bien avouer avoir été bercée de nostalgie tout au long des pages, renouant peu à peu avec les musicalités de mon adolescence. Il est bon de retrouver The Stranglers ou David Bowie !
Avec beaucoup de justesse et de sensibilité, Raynaud raconte le monde de la nuit, fait visualiser à son lecteur la naissance des premiers émois musicaux, l’accoutrement tantôt classe, tantôt trash des aficionados. Il raconte la vie d’artiste, la pensée marginale, les drogues et l’alcool. Au fond, l’ascension de La Monstrueuse Parade n’est pas si différente de celle des autres groupes à succès. Enfin, c’est aussi le roman de l’adolescence, de l’émancipation d’un jeune garçon face à son frère, Gilles, qui lui, rêve d’une carrière de soliste après le Conservatoire. C’est une ode au moi propre, à la construction intérieure, aux rêves sans fin de se voir devenir quelqu’un et vivre de sa passion, mais surtout au rock indépendant qui ne meurt jamais vraiment dans les cœurs.
Une réflexion sur “Au tournant de la nuit, Vincent Raynaud”