
Après Histoire d’Adrián Silencio en 2019, Eléonore Pourriat revient avec Poupées, un second roman également publié aux éditions JC Lattès qui nous pousse dans les volutes d’une amitié aigre-douce.
1986. Joy rencontre Stella. Très rapidement, les deux jeunes filles se lient d’une amitié indéfectible et se créent un monde hors normes dans lequel elles évoluent entre Paris et les Etats-Unis. Après un été passé à Greenport, Stella disparaît peu à peu du paysage de Joy. Il s’est passé quelque chose qui lui échappe et elle souhaite le comprendre. Trente ans plus tard, une révélation improbable s’offre à elle, faut-il y croire ?
« Je t’en ai voulu longtemps, puis ma rancœur s’est muée en mélancolie. Ensuite il a été trop tard pour poser des questions. Régulièrement au cours de ma vie, j’ai raconté cet épisode en espérant recevoir une explication plausible mais, à chaque fois j’ai eu l’impression qu’il s’agissait d’un rêve dans lequel personne n’aurait agi de façon cohérente. »
Je referme ce livre en entendant encore les échos de Bruce Springsteen : « Hey little girl, is your daddy home ? Did he go away and leave you alone ? I got a bad desire, I’m on fire« . Avec une grande justesse, Eléonore Pourriat plonge son lecteur dans un récit énigmatique sur l’amitié et ses méandres. La façon dont l’auteure illustre la douleur de la perte, l’éloignement, et les questions restées sans réponses des années durant est remarquable.
Loin des récits où l’on nous livre l’amitié sublimée, prête à affronter les aléas de vie, le tout sur un plateau d’argent, Poupées nous narre la pudeur. La pudeur des mots que l’on ne dit pas pour préserver des maux que l’on ne saurait soigner. L’amitié des deux personnages principaux, Joy et Stella, brille dans le sacrifice de l’une pour l’autre et rend leur relation encore plus belle et fusionnelle. Il s’en dégage une atmosphère que l’on retrouve aisément chez Louise et Julie, les deux personnages de Jungle (Livre de Poche, 2007), le roman de Monica Sabolo. Ce goût des sentiments exacerbés, de l’intense mêlé à l’âpreté de la perte.
Une noirceur est omniprésente dans le roman. Charismatique, elle porte le texte jusqu’à son dénouement pour guider son lecteur au creux d’une histoire sordide où la sexualité règne en maître : celle de l’insouciance qui se meurt. Il m’a été très plaisant de retrouver Bowie et ses nombreux titres à travers l’amour des deux jeunes filles pour le chanteur, mais aussi le Paris décousu des années 80 et les étés à Greenport. Eléonore Pourriat oppose plusieurs espaces qui animent rapidement le lecteur d’un grand intérêt pour cette intrigue aux révélations cassantes.
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