
Ce début de semaine est marqué par la lecture du premier roman de Lucie Paye, Les cœurs inquiets, publié chez Gallimard à l’aube du premier confinement. Un sort bien trop funeste pour cet ouvrage où art et amour s’opposent et s’attirent sans cesse.
Lui, c’est ce peintre qui voit apparaître un visage étrangement familier dans ses toiles. Elle, c’est une mère qui ne vit que pour retrouver son fils qui lui a été arraché il y a maintenant de nombreuses années. Tous deux sont en quête d’un autre, une entité presque immatérielle qui s’esquive sans cesse. Et pourtant.
« Lorsqu’il est fatigué de peindre, il tourne la tête vers la fenêtre et la regarde. Il se surprend à esquisser sa silhouette. Il la trouve un peu changée. Amaigrie peut-être. Il n’éprouve aucune gêne à regarder cette femme. Elle n’est qu’une image dans la perspective d’une chambre. Elle n’existe que dans cet écrin. Elle n’est pas réelle. »
Ce premier roman de Lucie Paye est ingénieux. Les chapitres se suivent et ne se ressemblent pas, on assiste à ces deux quêtes presque oniriques dans un jeu de soliloques de la part des personnages. Les cœurs inquiets est également à cheval entre la narration et l’épistolaire, ce qui lui donne une belle originalité. C’est intense, l’amour et les interrogations se mêlent sans cesse pour ne former qu’une seule quête : celle de la vérité.
Nous entrons dans l’intimité la plus absolue de ce peintre torturé par le questionnement et de cette mère en fin de vie qui se bat contre son organisme pour ne pas mourir avant d’avoir pu retrouver son fils. Jusqu’à la fin, l’auteure nous tient en haleine sur la nature du dénouement. Lorsque nous croyons enfin déceler les liens et les visages, nous sommes encore bien loin de comprendre l’intrigue !
C’est un jeu tacite que j’ai apprécié jusqu’à la fin de ma lecture tout en admirant cette écriture poétisée et dramatique qui, dans la forme, donne plaisir à avancer dans cette narration. Les cœurs inquiets est littéralement la preuve que le hasard est un concept parfois bien factice…
Une réflexion sur “Les cœurs inquiets, Lucie Paye”