
Il y a un mois, le format poche de La brodeuse de Winchester sortait aux éditions Folio. Tracy Chevalier, qui avait déjà marqué les esprits avec La jeune fille à la perle (Folio, 2000) (également adapté en 2003 au cinéma par Peter Webber) continue sur sa lancée avec l’étonnant personnage de Violet Speedwell.
Winchester, 1932. Dans l’écho d’une guerre qui est encore dans tous les esprits, Violet Speedwell décide de quitter son domicile familial et sa mère étouffante pour une vie autonome à Winchester. À 38 ans, sans enfants ni mari, elle est rapidement sujette aux moqueries des autres femmes qu’elle rencontre. Mais bien décidée à laisser son empreinte dans ce monde sans passer par la procréation, c’est dans le cercle des brodeuses de la cathédrale de Winchester qu’elle s’engage, prête à créer un objet qui perdurera des siècles après sa mort.
« Violet avait souvent entendu des concerts de cloches, sans écouter véritablement. Elle n’arrivait pas à distinguer de motif mélodique : chaque cloche avait beau retentir avec clarté, les sons semblaient se chevaucher sans ordre particulier. Ils étaient pourtant précis et n’avaient rien de chaotique. C’était comme d’écouter des gens parler allemand et avoir conscience que cette langue possédait une grammaire et une structure, un rythme et une logique, même si on ne comprenait pas le sens des phrases. »
Violet Speedwell, personnage principal de l’intrigue, est une femme comme on les aime en 2021 et comme on les déteste en 1932. Elle est autonome, débrouillarde et terriblement en avance sur son temps. Au cœur de la ville et dans toute l’Angleterre à cette époque, le progressisme est une idée bien douteuse pour la majeure partie de la population qui préfère s’attacher aux valeurs rassurantes de la famille nucléaire. Violet Speedwell gravite dans cette société en électron libre suscitant fascination, jalousie et méfiance.
Elle est attachante par ses états d’âme, la complexité de son passé, son souhait constant d’avancer en dehors de la masse tout en ne prenant jamais part aux médisances. Cette période d’entre-deux-guerres permet de dérouler un contexte délicat autour duquel se construit l’histoire, le peuple se remet à peine de la perte de nombreux hommes sur le front, les quelques années passées ne permettent pas encore le deuil des familles pour qui la mort rode encore dans chaque foyer.
Dans un désir essoufflé de vivre enfin, Violet entraîne son lecteur au creux de sa nouvelle vie, dans un temps révolu loin de tout ce qu’il connaît. Là où l’Angleterre se raccroche à la religion comme seul pilier conservateur d’un monde idéal. Si le style littéraire de Tracy Chevalier reste très sobre, elle ne manque pas de créer une réelle trame littéraire pour attiser la curiosité, subtiliser l’esprit de celui ou celle qui s’aventure dans cette intrigue pour découvrir le cercle très fermé des brodeuses de Winchester.
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