
Yahia Belaskri, auteur et journaliste franco-algérien notamment connu pour Les Fils du jour (2015) et Si tu cherches la pluie, elle vient d’en haut (2011) a usé de sa plume en octobre dernier pour un quatorzième roman, Le Silence des dieux publié aux éditions Zulma. Un roman poétique et brutal à la lisière de la parabole biblique.
Le petit village de la Source des Chèvres n’est relié au monde que par une grande route au milieu du désert. Un matin, dans la torpeur du jour qui se lève, des militaires décident de bloquer l’accès au chemin qui mène à la ville. Personne ne peut entrer ni sortir jusqu’à nouvel ordre. Le village se retrouve isolé, des clans se créent, des jugements et des rixes naissent pour désigner un coupable. Entre obscurantisme et révélations, la révolte se prépare.
« Soudain une voix étouffée, lointaine : un songe, nul doute, découpe le carré de soleil telle une promesse à venir depuis le palimpseste des ancêtres. L’esquisse d’un sourire longtemps absent ressurgit d’outre-monde, comme une corde lancée au naufragé. Mais, laideur des jours orphelins, seule persiste l’odeur âcre de la solitude. »
Le Silence des dieux sonne comme un récit allégorique où chacun aurait un rôle prépondérant à jouer pour transmettre un enseignement et une morale qu’il faudrait retenir. Au cœur du désert, les familles du village de la Source des Chèvres vivent de peu et se rattachent aux croyances ancestrales pour nourrir l’espoir d’un jour meilleur et alléger les souffrances. Le désespoir pousse peu à peu le village dans l’obscurantisme et Yahia Belaskri dénonce avec beaucoup de justesse le business des croyances qui profite aux plus forts et asservit les plus faibles.
Dans cet enchevêtrement de haine et de faux-semblants, les femmes soumises et battues tissent les liens de la révolte contre les hommes et leur violence. Ce n’est pas une grève du sexe qu’elles provoquent comme le ferait Lysistrata sous la plume d’Aristophane, c’est un château de cartes dogmatique qu’elle veulent détruire d’une main de fer. L’auteur franco-algérien sublime le drame et la poésie à travers chaque phrase et chaque mot, déconstruit les conflits d’intérêts et signe d’un ton affirmé l’oppression des plus riches sur les plus pauvres.
Yahia Belaskri met plusieurs interrogations rhétoriques en avant dont l’une d’elle, évidente, surplombe tout le roman : jusqu’où peut aller la violence de l’homme dépourvu d’ouverture au monde ? Le Silence des dieux soulève l’intemporalité de la haine, les conséquences d’un huis clos où « l’enfer, c’est les autres » sonne comme un mantra tragique.
L’idée est intéressante, mais le ton allégorique et l’écriture un peu « chargée » (d’après l’extrait cité) me dissuadent de le lire… Merci en tout cas pour cette critique bien écrite!
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Effectivement, si vous n’êtes pas un adepte de l’allégorique et du style extrêmement poétisé, ce roman n’est pas forcément pour vous. En revanche, je dois dire que la trame narrative de l’histoire est telle que ça allège nettement le style!
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