
La Peste Noire, célèbre pandémie aux 25 millions de morts entre 1347 et 1352 n’a cessé d’être racontée dans de nombreux textes, œuvres d’art et ne termine jamais d’inspirer. En septembre 2021, Eric Stalner et Cédric Simon se sont eux aussi lancés dans le récit de l’épidémie à travers La grande Peste publiée aux éditions Les Arènes BD. Une cinquième bande dessinée issue de leur collaboration dans laquelle deux destins bien différents font fi des fatalités.
Italie, 1347. La Peste frappe le pays et le reste de l’Europe. Ses conséquences sont désastreuses et même les plus lettrés ne sont pas capables d’en définir la cause. Est-ce une punition de Dieu ? Le Jugement dernier ? La faute aux païens ? Baldus, membre de l’ordre des chevaliers Hospitaliers et Alixe, guérisseuse hors pair vont chacun quitter leur quotidien pour un voyage aux confins du mal et de la folie à la recherche d’un eldorado de paix.

Difficile de ne pas trouver un écho à notre monde moderne dans la dernière bande dessinée d’Eric Stalner et Cédric Simon. Toutes proportions gardées, elle rappelle la complexité de ces situations sanitaires, l’inquiétude face aux lendemains incertains, le besoin d’accuser, de juger et parfois de douter. Bien que l’obscurantisme catholique soit un apport historique que nous connaissons et vivons beaucoup moins aujourd’hui, il a toute sa place au cœur du XIVe siècle.
Alixe et Baldus, les deux personnages principaux, font revivre avec beaucoup de charme les heures sombres du Moyen-Age à travers leur périple et leur catégorie sociale qui fait d’eux des parias de la société, des symboles de l’oppression pour ce qu’ils sont. Puis il y a cette façon, assez politisée, de dénoncer la dangerosité des sectes –les flagellants– et l’ésotérisme poussé à ses extrêmes, ces victimes que la Peste épargne pour mieux mourir sous les coups des hommes.
D’un trait réaliste et précis, Eric Stalner et Cédric Simon illustrent la gravité de l’instant, l’effroi et la haine du peuple mais aussi cette course-poursuite vers l’inconnu tout en narrant la folie du monde et la force des croyances. Son intemporalité est omniprésente et il y a, dans l’association de ces deux personnages devenus nomades, un lien qui éclaire ce paysage ravagé par la mort. Après La Curée, Pot-Bouille (Les Arènes) ou L’oiseau rare (Bamboo), les deux compères signent une nouvelle fiction historique qui ne se lâche pas.
Je suis abasourdi quand je lis que 40 % de la population est morte de la peste à cette époque.
Comme lors de notre pandémie actuelle, de nombreux bouleversements sont apparus. Faute de bras, les gens se sont mariés dès 14 ans pour reprendre les terres de leurs familles. Ils ont acquis la majorité de fait dès cet âge. Il a fallu des bras; et beaucoup d’enfants sont nés pour repeupler le continent.
Aujourd’hui, c’est le sentiment de solitude et d’isolement qui est apparu. De tristesse et de résignation également.
J’aimeJ’aime