
Quel est l’impact réel des publications postées sur nos différents réseaux sociaux ? Est-ce un potentiel danger d’exposer sa vie privée alors qu’aujourd’hui, Internet n’oublie rien ? C’est sensiblement à ces questions que Janelle Brown souhaite répondre dans sa première publication française aux éditions Les Arènes. Après Watch Me Desappear (2017), Pretty Things (2020) alias Jolies Choses rencontre un succès phénoménal aux Etats-Unis jusqu’à devenir un best-seller. Dès aujourd’hui, les lecteurs français pourront découvrir ce thriller déroutant et insidieusement encré dans nos pratiques quotidiennes.
Nina ne compte plus les jeunes gens très riches qu’elle a escroqués. Pour cela, elle passe au crible les réseaux sociaux de ses victimes pour monter ses coups et dénicher les meilleurs objets de luxe à dérober dans leurs demeures opulentes. Le jour où elle apprend que sa mère est malade, tout s’effondre : le traitement coûte très cher. Trop cher. Il lui faut monter le meilleur coup de sa carrière d’escroc pour récupérer un maximum d’argent. Alors pourquoi pas Vanessa Liebling, cette héritière et influenceuse mode qui vend du rêve à des milliers d’abonnés ? Mais au bord du lac Tahoe, leur rencontre a comme un goût de déjà-vu…
« Voilà ce qu’Internet a offert à ma génération : la possibilité de jouer à Dieu. On peut créer l’homme à notre image, faire naître un être humain à partir du néant. Il suffit pour cela d’une simple étincelle, jaillie avec des milliards d’autres sites Internet, pages Facebook et comptes Instagram : un profil, une photo, une biographie. Et comme par magie, une existence apparaît. (Il est beaucoup, beaucoup plus difficile de faire disparaître cette vie une fois qu’elle a été créée, mais c’est une autre histoire.) »
Débuter une croisade française par un thriller sur le thème des réseaux sociaux, c’est osé. Comme il était également osé de dire indirectement deux ans plus tôt à des milliers d’américains aux profils souvent bien garnis : je vais vous conter l’histoire de cette vie privée qui, en 2020, n’en est plus réellement une pour la majorité des gens. C’était mettre un lectorat entier face à la chose qu’ils contrôlaient peut-être le plus et définitivement le moins : l’image de soi.
C’était aussi tenter d’esquisser les dangers, les mensonges sous les faux sourires et ce paraître si fréquent qui s’écaille beaucoup trop facilement. Alors Janelle Brown a tout condensé à travers Jolies Choses dans lequel différentes stratégies et rangs sociaux s’opposent allègrement pour dépeindre une dystopie digne des meilleurs Black Mirror. Le pire ? Sûrement cette sulfureuse façon de nous faire ressentir du pathos là où il ne devrait pas y en avoir, brouiller les pistes de nos émotions pour mieux nous perdre et nous questionner. Difficile donc, de ne pas se laisser séduire.
Dans le roman, plusieurs regards s’affrontent pour donner au lecteur la vision de chaque protagoniste en faisant une rétrospective de leur histoire. Les chapitres s’enchaînent laissant place à un suspense créé par une trame narrative de qualité. Tout l’engrenage donne à cet ouvrage conséquent de 600 pages l’impression d’en faire 200. Alors oui, Jolies Choses est efficace dans son rôle de thriller : il tire les ficelles d’un thème qui porte à réfléchir, à craindre et à s’indigner qu’il est presque difficile de ne pas percevoir la plume de la journaliste de New York Times derrière celle de la novelist. Une double casquette très plaisante à découvrir.
Une réflexion sur “Jolies Choses, Janelle Brown”