Blanc Résine, Audrée Wilhelmy

Blanc Résine, Audrée Wilhelmy

Blanc Résine Audrée Wilhelmy Trouble Bibliomane Marie Jouvin
Blanc Résine, Audrée Wilhelmy – Trouble Bibliomane

Le rapport à la féminité, la nature indomptable, les croyances ancestrales… Oui, Audrée Wilhelmy sort bel et bien un troisième roman en France aux éditions Grasset initialement publié chez Léméac en 2019. Après Les Sangs (2013) ou encore Oss (Léméac, 2011) distingué par le Prix du Gouverneur général, l’auteure québécoise laisse son lecteur indéniablement troublé par l’étrangeté et la beauté de Blanc Résine.

Daã est une enfant de la taïga, un petit bout de femme élevé dans un couvent au cœur de la forêt boréale. Son être transpire la liberté et l’attachement à son berceau-nature. Le jour où elle rencontre Laure, ce garçon un peu plus âgé qu’elle issu des mines, albinos et un peu gauche, le constat est sans appel : tout les oppose. Mais quelque chose les lie, un lien qui dépasse les mots, les actes, une communication hors norme naît de leurs différences.

« Fatum de lune ronde : je redeviens animale de caverne, corps immense à saisir, graine d’ourse, louve géante et hase et loutre et grive et chienne. Les sangs de mes mères et de toutes les femmes gonflent mon ventre, me cambrent l’échine. Liquide des deux bouts, je renais, force femelle. »

Au-delà des thèmes qui reviennent régulièrement chez l’auteure, Blanc Résine est d’une originalité esthétique qui entrave notre monde réel lorsque l’on ouvre ce roman. Très loin pourtant du genre fantastique, il touche tout de même au conte réaliste, aux belles histoires qui captent l’attention par leur étrangeté et leur drôle de douceur enfantine. Des codes connus donc, pour des personnages très curieux, attachants et sincèrement eux dans l’espace-temps envoutant du Québec à l’ancienne. La vie se rêve à travers saisons et sabbats païens tandis que d’autres la subissent ou l’aiment sous le joug des hommes et des nouvelles technologies qui rendent l’existence insipide.

Audrée Wilhelmy esquisse la genèse d’une décadence dans laquelle se créé un microcosme où la rencontre des deux amants s’opère. Ils illustrent parfaitement la poétique de l’opposition, déconcertante et séductrice. Laure prend des airs de Julien Sorel dans son besoin absolu de réussite, un self-made-man aux aspirations professionnelles qui ne coïncide pas toujours avec la teneur de ses émotions envers le personnage de Daã. Mais n’est-ce pas cela qui rend cette association de protagonistes si belle ?

Blanc Résine, c’est aussi l’engagement – certes léger mais difficilement imperceptible, en faveur de l’autonomie féminine. Daã est l’image même de la femme forte, indépendante, « sorcière » pour son temps et terriblement vraie par sa sensibilité presque animale. La communication que les deux personnages entretiennent tout au long du roman est faite de respect tout en préservant cette beauté incompréhensible du secret : ainsi, on perçoit l’autre sans jamais le comprendre totalement, on aime sans jamais l’éprouver réellement, on voit sans voir, mais on accepte. Alors oui, c’est peut-être cette complexité qui donne à ce roman toute son étrangeté mais il reste définitivement un ovni de la rentrée, sublime et surprenant.

Découvrir d’autres romans contemporains sur le blog

Une réflexion sur “Blanc Résine, Audrée Wilhelmy

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s