Maikan, Michel Jean

Maikan, Michel Jean

Maikan Michel Jean Marie Jouvin Trouble Bibliomane
Maikan, Michel Jean – Trouble Bibliomane

Tandis que le père Johannes Rivoire fait actuellement l’objet d’un mandat d’arrêt pancanadien pour agressions sexuelles sur jeunes Inuits, Maikan, le roman de Michel Jean publié aux éditions Dépaysage fait redoutablement écho à l’actualité. Initialement publié en 2013 sous le titre Le vent en parle encore (ed. Libre Expression), l’écrivain et journaliste québécois d’origine innu expose le génocide culturel qui a touché plus de 150 000 enfants autochtones durant le siècle dernier.

Nitassinan, août 1936. Comme de nombreux enfants et adolescents, Marie, Charles et Virginie sont arrachés à leurs famille et envoyés à plus d’un millier de kilomètres de chez eux dans un pensionnat catholique. D’après les missionnaires, ils apprendront à écrire, à lire et seront bien nourris sans mentionner qu’ils gommeront tout de leur âme d’indien jusqu’à la possibilité de s’exprimer dans leur propre langue. En 2013, l’avocate Audrey Duval part à la recherche des survivants pour tenter d’honorer leur voix et leur passé mais se heurte rapidement aux vestiges de vies passées, dans l’incapacité à s’exprimer sur la barbarie, les agressions sexuelles et les maltraitances. Face à l’impossibilité d’effacer les actes, il reste l’espoir de ne pas avoir tout perdu.

« Le chemin grimpe en douceur jusqu’au sommet d’une colline d’où le Riverview domine la rivière et son delta émaillé d’îles. Du perron de l’établissement, on distingue très bien, de l’autre coté, la réserve et ses rues étroites, bordées de cabanes grises où une vieille femme boit en appelant la mort. »

Très loin de l’histoire d’amour émouvante racontée par l’auteur dans Kukum, Maikan se veut nécessaire et engagé pour évoquer le sort de milliers d’enfants autochtones et les problématiques sociétales que cette ségrégation culturelle a engendrées. On entre dans la vie de ces trois adolescents comme on va au purgatoire pour découvrir ce que réserve un endroit aussi austère que Fort George, l’un des nombreux pensionnats catholiques sur le territoire canadien. Le lecteur se confronte à une réalité crasse où seul l’espoir d’un retour au sein de la communauté fait subsister les pensionnaires. Ironiquement, deux des quatre personnages principaux, Virginie et Marie, portent le nom de l’innocence sexuelle qui n’existe qu’à travers les mots quand les agressions pédophiles du personnel sévissent jour et nuit.

La lourdeur que provoque Fort George sous la plume de Michel Jean est souvent insoutenable et toujours révoltante alors tant qu’à faire, confronter le siècle dernier et l’actuel pour illustrer l’évolution de ce drame allait de soi. Audrey Duval, l’avocate qui se veut justicière des causes taboues porte en elle la marque d’un monde meilleur et celle d’une certaine hypocrisie. Elle se confronte aux survivants, souvent noyés dans leur alcoolisme pour oublier les douleurs d’une torture mentale qui ne quitte jamais son condamné. Cependant, elle est aussi la voix du gouvernement canadien qui tente de réparer les pots cassés avec quelques milliers de dollars. A cet acte, une seule question persiste – et elle est rhétorique : les sévisses se pardonnent-ils vraiment avec un pécule ?

Ce sujet tragique reste brillamment illustré par l’écrivain québécois qui porte en chaque mot un peu de ces 150 000 enfants dont il ne reste rien aujourd’hui pour les plus malchanceux et des larmes au creux des rides pour les autres. Alors ces voix s’élèvent dans cet ouvrage aussi haut que les chants ancestraux des anciens pour émouvoir à sa façon et se souvenir, toujours.

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