
Après Nubo, le gardien nuage et Jill & Sherlock, Jim Bishop séduit et émeut tout un lectorat avec Lettres perdues, un album très chatoyant paru en septembre dernier et publié aux éditions Glénat. L’auteur de BD, originaire de Seine-Saint-Denis, remporte les prix Orange de la BD et France Bleu 2022, conquérant par la même occasion le cœur de nombreux bookstagramers.
Chaque matin, Iode a un rituel : il attend impatiemment une lettre de sa maman que devrait lui apporter le facteur, un poisson-clown qui porte bien son nom. Mais tous les jours, c’est la même histoire, la lettre ne parvient pas jusqu’à lui. Certain de vouloir retrouver le fameux courrier, il part avec sa petite automobile vers la ville pour rejoindre le bureau de poste et demander des comptes. Sur sa route, il accepte de prendre Frangine en auto-stop, une jeune rebelle qui risque de donner à son escapade un tout autre tournant.
Lettres Perdues, c’est la certitude de plonger dans un univers totalement loufoque et acidulé ressemblant assez étrangement à un trip extrême au LSD. Jim Bishop s’autorise à peu près tout : Sunville, une cité régie par des crustacés, des poissons (et une pieuvre mafieuse) pouvant communiquer avec les quelques humains qui y vivent également, des bâtiments à l’architecture et aux couleurs japonisantes, une atmosphère nocturne et futuriste qui défie toutes les lois de ce qu’il est possible d’imaginer. En bref, ça décape dans tous les sens, c’est cosmique mais très bien ficelé.
Les personnages principaux, Iode, Frangine et Cycy – un officier de police poisson, n’ont franchement rien en commun, prêtent souvent à sourire mais comme souvent, ils se rapprochent dans leurs différences. Pour les deux humains, la présence maternelle inexistante ou presque construit ce lien indéfectible. « Quitte à ne plus avoir de parents, on se trouve des amis pour la vie » pourrait scander cet album mené par l’espoir absolu de revoir ceux qui ne sont plus là. C’est une vraie aventure à mener contre vents et marées, dans laquelle les humains suivent une quête tandis que les animaux se rebellent contre eux pour avoir détruit leur écosystème.
La beauté des traits est saisissante mais n’est pas sans engagement. Derrière les émotions et l’univers onirique, Lettres perdues a ce quelque chose de post-apocalyptique vertigineux qui porte forcément une réflexion plus poussée par-delà la solitude, la difficulté du deuil et ces entités réconfortantes qui survivent à travers mots et poèmes.
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