
Toshikazu Kawaguchi avait convaincu plus d’un million de lecteurs au Japon avec son roman Tant que le café est encore chaud initialement adapté de sa pièce de théâtre. Elle avait notamment remporté le prestigieux prix du Festival dramatique de Suginami. Ouvrage désormais catégorisé dans les best-sellers, le dramaturge nippon s’est lancé dans Le Café du temps retrouvé qui s’associe volontiers à une suite de l’intrigue sans qu’il soit nécessaire d’avoir lu le premier ouvrage.
Le Funiculi-Funicula, petit café tokyoïte, a une bien drôle de particularité. S’il est possible de s’y assoir pour se délecter d’une boisson chaude, on peut également y faire un voyage dans le temps. Tout cela à condition que l’étrange expérience se fasse tant que le café est encore chaud, sans quoi le voyageur risquerait de rester coincé à tout jamais dans l’année visitée. Gôtarô aimerait revoir un vieil ami, Katsuki la fille qu’il n’a jamais épousée et Kyioshi offrir un cadeau d’anniversaire à sa femme avant qu’elle ne meure. Tous trois sont autant de visiteurs à savoir que leurs actions ne changeront rien à l’issue des événements mais les regrets sont parfois bien trop douloureux pour ne pas tenter le périple de la dernière chance.
« Vrrr-vrrr, vrrr-vrrr-vrrr… Yukio tourna les yeux vers le comptoir, attiré par le bruit du moulin à café. Ventilateur tournant lentement au plafond, lampes à abat-jour, grandes pendules : rien n’avait changé. Seule la personne debout derrière le comptoir n’était plus la même : l’individu qui moulait les grains, un homme aux yeux étroits, lui était parfaitement inconnu. Yukio balaya la pièce du regard. Hormis ce géant et lui-même, il n’y avait personne. »
Voilà un drôle d’endroit dans lequel on mettrait volontiers les pieds mais nul doute qu’il serait colonisé par les scientifiques s’il existait réellement. Dans le roman de Toshikazu Kawaguchi, le lieu est épargné voire isolé de tout aspect médiatique qu’un tel café pourrait subir. Nous quittons donc le réalisme contemporain pour se concentrer sur plusieurs existences qui auront chacune leur histoire à démêler soit au passé, soit au futur, dans un lieu qui inspire tout ce qu’il y a de plus attendrissant par son charme discret, son calme et ses horloges déréglées. On y découvre rapidement le personnel de l’établissement, lui aussi animé par un passif joliment décortiqué par l’auteur japonais. De l’histoire familiale à l’art ancestral de faire de grandes choses par de petits actes, c’est avec certitude que nous entrons dans un roman au pays du Soleil Levant tant dans l’action que par l’esprit.
Ainsi, servir le café pour le grand voyage a tout d’un rituel qu’il est uniquement possible de pratiquer lorsque « La femme en blanc » , supposé fantôme coincé dans le passé, quitte sa table pour aller aux toilettes. A bien des instants la tension est palpable notamment parce que le prix des regrets n’est autre que celui de sa propre vie si l’on est trop téméraire : « Seule la surface du liquide semblait monter lentement, comme si les ténèbres insondables emplissaient la tasse. » . Le Café du temps retrouvé endosse volontiers les aspects du roman de science-fiction à un détail près ; celui d’une réalité scientifique totalement absente du récit. C’en est presque dommage.
Au fil des rencontres avec les nombreux personnages du roman, ce huis clos incite forcément à quelques réflexions philosophiques et introspectives : quels risques sommes-nous réellement capables de prendre par amitié ou par amour ? Vivons l’instant présent car « on ne connaît jamais vraiment le cœur des gens » pour comprendre une situation dans son entièreté semble finalement suggérer l’auteur. Toshikazu Kawaguchi signe un roman très original dans son intrigue et ses mises en scène mais il reste légèrement facile dans ses conclusions.
Références de l’ouvrage : Le café du temps retrouvé, Toshikazu Kawaguchi, traduit du japonais par Mathilde Tamae-Bouhon, Albin Michel, 18,90€
Où trouver le texte de la pièce de théâtre dont est tiré le roman svp
J’aimeJ’aime
Bonjour Claire, sûrement chez un éditeur japonais. Je ne crois pas que cela soit traduit en français.
J’aimeJ’aime