555, Hélène Gestern

555, Hélène Gestern

555 Hélène Gestern Trouble Bibliomane Marie Jouvin
555, Hélène Gestern – Trouble Bibliomane

Lauréate du grand prix RTL-Lire 2022 pour 555 (éditions Arléa), Hélène Gestern séduit son lectorat depuis de nombreuses années avec des romans très remarqués (Eux sur la photo, L’Eau qui dort…). Sa dernière parution est un excellent point de départ sur la musique baroque du compositeur et claveciniste italien Domenico Scarlatti. Le tout autour d’une enquête sincèrement grisante.

Grégoire et Gian sont associés et amis, l’un est ébéniste, l’autre luthier. En défaisant la doublure d’un étui à violoncelle, Grégoire fait une découverte aussi excitante que déconcertante : une partition, peut-être originale, de Scarlatti est glissée entre les tissus. Nullement le temps pour les deux compères de s’extasier face à la trouvaille, cette dernière disparaît subitement, provoquant les convoitises des plus grands musiciens et spécialistes du claveciniste napolitain. Les deux associés se lancent à sa recherche, entrainant avec eux d’autres personnes prêtes à tout pour retrouver l’étrange document.

« L’intégrale est sortie un an jour pour jour après la fin de sa chimiothérapie. Les cinq cent cinquante-cinq sonates, au complet. Pendant deux ans ensuite, je les ai jouées sur scène, partout dans le monde. J’avais abandonné la pyrotechnie, les arpèges fusés, les trilles démoniaques : je cherchais le son à l’intérieur du son, comme on finit par le faire dans toute œuvre qui prend possession de nous. J’ai eu l’impression, chaque soir, sur scène, de recréer autant de musique que de silence, ce silence qui seul rendait chaque accord intelligible. »

555, c’est le nombre de sonates connues de Domenico Scarlatti. Si le destin de la sonate mystère est quelque peu chahuté dans le roman d’Hélène Gestern, cette ultime partition n’en reste pas moins le point de départ d’une quête chorale dans laquelle chacun porte un sacerdoce romanesque addictif. A l’image d’un Cluedo inversé, on recherche désespérément ce qui a disparu et non ce qui a déjà été retrouvé tout en s’immisçant dans l’existence de personnages puissamment conçus qui font de cette quête une traque émotionnelle et un retour fort nostalgique sur les affres du passé.

Chacun y laisse un membre, une partie de soi, parfois plus difficilement que d’autres, et cet enchevêtrement de péripéties forme une trame narrative rapide et efficace qui fait de ce roman un page-turner qui ne manque définitivement pas de charme. L’autrice et enseignante nancéenne captive invariablement par cette façon lyrique et poétique de définir la musique à travers le jeu, la passion musicale, les doigts qui démangent et touchent avec engouement un clavier. Cela transparaît également par ce compositeur qui, des siècles plus tard, livrerait un ultime testament à ceux qui vivent sa musique par vocation, ravivant la flamme de tous les possibles. Un rêve de tout passionné de baroque à qui l’on promet la possibilité du conditionnel au 21ème siècle.

La fiction et la réalité ne cessent de s’entremêler dans un jeu qui lui aussi nous lance dans quelques sonates inconnues et délicates, travaillées avec minutie, sans trop en faire pour maintenir le souffle et l’esprit en exergue jusqu’à la fin. Scarlatti et le clavecin ne sont qu’un bon prétexte pour une musicothérapie littéraire qui fait vraiment plaisir à lire.

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