
Comme une envie de vous parler d’une très belle sortie de la semaine chez Grasset (oui, encore eux, je suis en totale addiction, n’essayez pas de me soigner). De mon plein gré, le premier et court roman de Mathilde Forget est loin de laisser son lecteur indifférent.
Il faut du courage pour porter plainte. Il en faut même lorsque l’on doit se soumettre au regard d’un enquêteur, d’un avocat ou d’un psychiatre. Après une nuit terrifiante, Elle raconte au Major tout ce qu’il s’est passé, et ce que l’individu a fait. Mais comment peut-on se sentir totalement victime quand les interrogations nous poussent à croire le contraire ? Il faut désormais expliquer l’inexplicable, ce qui ne se justifie jamais, se défendre alors que corps et l’esprit ne savent plus le faire.
« Le corps est un lieu qu’on ne quitte jamais. Je peux quitter une ville, un pays, une personne, m’en éloigner au moins. Mais lorsque l’évènement a lieu dans le corps, en son creux, au fond du ventre, on est condamné à vivre avec. »
Inspiré de la propre histoire de l’auteure, j’ai été ébranlée par la profondeur et la dureté de ce qui y est narré. Pourtant, les deux se mêlent parfaitement pour dépeindre un tableau généreux de notre société actuelle où tout reste encore à construire. En 2021, il faut encore justifier par « a + b » une agression sexuelle et sa propre intimité, chercher un potentiel caractère déviant à la victime et parfois accepter que certains faits ne seront pas gardés comme preuve irréfutable du mal. Tout cela conduit bien souvent aux doutes, sommes-nous réellement une victime ? L’avons-nous cherché ?
Ainsi, Mathilde Forget plonge le lecteur au cœur de l’enquête qui lie sa narratrice (ou elle ?) à son agresseur. Tout y passe, traumatismes de l’enfance, difficulté à assumer ses propres attirances dans une société hétéronormée, et l’indocilité du corps face à l’oubli. S’il est difficile de dire « j’ai aimé ce roman » comme on dirait que l’on apprécie un récit d’aventure ou une histoire d’amour, j’en envie de dire que je l’ai compris.
J’ai compris ce choix de raconter les faits, la poétique des maux au travers le drame, et l’ultime appel à nous dire qu’il reste failles personnelles pour toujours après un viol.
En vérité, De mon plein gré narre l’histoire vraie de trop de femmes et l’écriture de Mathilde Forget dénonce plus qu’elle ne sublime la brisure. Comme un plaidoyer en faveur du corps et de l’esprit, je sors extrêmement touchée et profondément révoltée (comme si je ne l’étais pas assez !) de cette lecture. Cela nous rappelle bien une chose : la littérature ne permet pas seulement de nous laisser rêver d’un ailleurs, elle nous ramène également à l’indéniable réalité.
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